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Halimâ, la ménagère du docteur, n’en revenait pas. Sa tête, à chaque instant, sortait de la cuisine pour s’assurer de ce fait, qu’il y avait bien là deux hommes blancs, sous cette véranda, où elle n’en voyait qu’un d’habitude, un qui n’avalait rien. Était-ce donc possible ? Elle qui avait eu peur que son maître n’appréciât jamais ses talents culinaires, faute de le pouvoir ! Et le voilà qui mangeait, mangeait, mangeait encore ! Son ravissement tenait du délire.

Nous entendions sa langue courir à toute vapeur, rouler et claquer, pour transmettre à la foule le fait incroyable dont elle l’ébahissait.

Bonne et fidèle créature ! Tandis qu’elle épanchait son ivresse, le docteur me racontait ses loyaux services ; sa terrible anxiété lorsqu’elle avait appris que la caravane qui arrivait était celle d’un blanc ; comment elle était venue le trouver, l’accablant de questions, le quittant pour s’assurer du fait ; et son désespoir de la misère du garde-manger, et ses efforts pour créer au moins l’ombre d’un repas, sauver les apparences. « Car enfin, maître, c’est un des nôtres ? » Puis sa joie en voyant mes porteurs. « Un homme riche, monsieur ! De l’étoffe et des perles, tout plein, tout plein ! Parlez-moi encore des Arabes ! Qu’est-ce que c’est auprès des blancs ? Les Arabes, pas grand-chose, en vérité ! »

Des heures passèrent ; nous étions toujours là, l’esprit occupé des événements du jour. Tout à coup je me rappelai ses dépêches, qu’il n’avait pas lues.

« Docteur, lui dis-je, et vos lettres ? Je ne vous retiens pas plus longtemps.