Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entreraient dans ma tente, que je le voulusse ou non, riraient de la frayeur ou de l’ennui qu’ils pourraient me causer, et me diraient brutalement : « Hi, Hi ! Mousoungou, d’où viens-tu ? Je n’ai jamais vu ton pareil. Y en a-t-il beaucoup d’autres comme toi ? » Gens curieux, qui vous prennent votre montre, et vous demandent : « À quoi bon cette petite affaire ?  Vous répondez naturellement que la petite affaire marque les heures et les minutes ; ce qui vous attire cette réplique indignée : « Oh ! l’imbécile ! ou bien : l’affreux menteur ! » J’avais donc un beau chien de garde, que je m’étais procuré à Bombay, non-seulement comme fidèle compagnon, mais pour tenir à distance les susdits gentlemen. Or, à peine installé, j’appelai Omar, — ce nom lui avait été donné à cause de son origine turque. — Omar ne vint pas ; il avait quitté les soldats pendant une averse, et on ne l’avait pas revu. J’envoyai Mabrouki à sa recherche ; le brave serviteur ne reparut que le lendemain, au moment où nous allions quitter Rosako ; mais il ramenait mon chien, qu’il avait retrouvé à Kikoka.

Le jour suivant, à l’heure du départ, Maganga vint m’annoncer que trois de ses pagazis étaient malades. Je n’étais pas médecin et n’avais aucun rapport avec cette profession. Je possédais néanmoins une pharmacie bien montée, sans laquelle pas un blanc, voyageant en Afrique, ne pourrait vivre.

J’allai voir les trois hommes de Maganga ; l’un était pris de la moukongouru, (fièvre intermittente de cette région), le second avait une pneumonite, l’autre une maladie vénérienne. Ils se croyaient tous les trois à l’article de la mort, et appelaient leur mama ! mama ! comme des enfants, bien qu’ils fussent adultes. Évidemment la quatrième bande ne pouvait partir ; je la laissai à Rosako ; et après avoir dit à Maganga de nous suivre le plus tôt possible, je donnai des ordres pour que ma caravane se mit en marche.

Excepté aux environs des bourgades, il n’y avait pas trace de culture. Le pays, d’une station à l’autre, n’était qu’un désert non moins sauvage, non moins abandonné que le Sahara, mais d’un aspect bien autrement agréable. Notre premier père, s’éveillant dans cette partie de l’Afrique, et en découvrant les beautés, n’aurait pas eu de sujet de plainte. Les bosquets ombreux, semés comme des îles sur un océan de verdure, lui auraient donné un frais abri pendant la chaleur du jour, et un asile assuré à l’heure des ténèbres. Le matin, une promenade au sommet de la pente herbue l’eût fait jouir de la fraîcheur, et il aurait eu pour ses ab-