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fit sans retard, en leur donnant toutefois les ressources nécessaires pour regagner la côte.

Ces gens-là étaient si peu respectables que les indigènes les prenaient pour des esclaves. Un de leurs péchés mignons, celui que le docteur leur reprochait le plus, était l’habitude qu’ils avaient prise de saisir la première femme ou le premier enfant qu’ils rencontraient, et, soit par des menaces, soit par des promesses illusoires, de les contraindre à porter leurs armes et leurs munitions.

Fatigués au bout d’une heure de marche, ils se couchaient sur la route, s’y lamentaient sur leur triste sort, et cherchaient le moyen d’entraver les projets de leur maître. Le soir on les voyait arriver au camp, n’en pouvant plus, se traînant comme des moribonds. De pareils soldats formaient une pauvre escorte ; et si quelque tribu, quelque bande d’indigènes un peu nombreuse eût assailli le voyageur, il n’aurait pas eu d’autre alternative que de se rendre et de se laisser dépouiller.

Le 8 juillet la petite caravane, diminuée de ses douze cipahis, arrivait dans un village de Vouahihyou, situé à huit jours de marche de la Rovouma, au sud de cette rivière ; village d’où l’on domine la ligne de faite qui, de ce côté, porte ses eaux dans le Nyassa. Entre la Rovouma et cette bourgade est un pays inhabité, où la petite bande souffrit beaucoup de la faim, et s’amoindrit encore par suite de désertions.

Au commencement d’août, elle arriva chez Mponda qui demeurait près du lac. Une nouvelle désertion lui avait enlevé deux hommes. Pendant que ceux-ci prenaient la fuite, un protégé du docteur, nommé Vouikotani, insista pour être délié de son engagement, sous prétexte qu’il avait retrouvé son frère, un homme très-riche, que sa famille habitait de ce côté-ci du Nyassa, enfin que l’épouse favorite de Mponda était sa propre sœur.

Rien de tout cela n’était vrai ; Livingstone le sut plus tard. Mais ne voyant alors qu’une chose, le désir que Vouikotani éprouvait de ne pas aller plus loin, il le conduisit à Mponda, qui, par parenthèse, n’avait jamais entendu parler de ce garçon ; et donnant à l’ingrat une provision d’étoffe et de perles suffisante pour attendre que son frère le fit appeler, le docteur le laissa avec le chef. Il lui remit également du papier à lettre, afin qu’il pût donner de ses nouvelles à M. Waller ou à lui-même, s’il en avait l’intention ; Vouikotani sachant lire et écrire, ce qu’il avait appris à Bombay, où il avait été mis à l’école.