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Vouangouana arrivant de l’Ounyanyembé ; et les habitants reparaissent.

« Mirambo est donc mort ? s’écrient-ils.

— Non, malheureusement.

— Comment avez-vous fait pour passer ?

— Nous avons pris par l’Oukonongo, l’Oukahouendi et l’Ouhha.

— Oh-hi-li ! »

Tous se mettent à rire de leur frayeur et nous font leurs excuses. Le chef m’est présenté ; si d’abord il s’est retiré dans les bois, c’était, me dit-il, pour combiner son plan d’attaque ; il allait revenir, et, si nous avions été des Rouga-Rouga, il nous exterminait tous. Le pauvre homme ignorait que nous le savions ; mais il avait eu si grand’peur, que si nous avions été des Rouga-Rouga il ne serait pas du tout revenu.

Toutefois nous n’étions pas d’humeur à le chicaner sur sa fuite, pas plus qu’au sujet d’un idiotisme, qui paraissait lui être habituel, et dont nous aurions pu nous formaliser ; bien au contraire, nous lui avons serré la main, en lui disant que nous étions « si heureux de le voir ! » Il a partagé ce bonheur, et nous a immédiatement envoyé trois moutons gras, de la farine, des pots de bière et du miel, dont il nous a fait don. J’ai à mon tour augmenté son allégresse en lui offrant deux choukkas de ma plus belle étoffe. Un pacte amical a été ainsi conclu entre nous.

Rentré dans ma tente pour écrire les faits du jour. En prenant la plume, j’ai dit à Sélim : « Tirez de la caisse mes habits neufs, graissez mes bottes, passez au blanc mon casque de liège, mettez-lui une écharpe neuve, afin que je paraisse en tenue convenable devant l’homme que nous verrons demain, et devant les Arabes d’Oujiji ; car les épines ne m’ont laissé que des haillons. »

Bonsoir. Plus qu’une nuit à passer, et nous verrons l’homme à barbe grise.

10 novembre 1871, deux cent trente-sixième jour à compter de notre départ de Bagamayo, cinquante et unième de celui de l’Ounyanyembé.

Direction générale delà route, pour gagner Oujiji, ouest quart sud-ouest ; six heures de marche.

Un temps superbe, une matinée radieuse ; l’air est frais, le ciel est souriant ; les bois profonds ont un feuillage du plus beau vert. L’eau du Moukti, se précipitant sous la frange d’émeraude qui borde ses rives, semble nous défier à la course par son bruyant murmure.