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nouveau paysage de cônes et d’escarpements, soulevés dans toutes les directions.

Cinq heures de marche dans cette contrée pittoresque nous firent gagner la Mpokoua, l’un des affluents du Roungoua. Près de la rivière se trouvait un village récemment abandonné, et tel que les habitants l’avaient laissé dans leur fuite : les cases intactes, les jardins remplis de légumes, et, sur les branches des arbres, les pénates et les lares représentés par de grands vases en terre, d’une excellente facture.

En quelques minutes, mes hommes prirent dans la rivière voisine, seulement avec la main, soixante poissons de la famille des silures. Une quantité d’oiseaux, aigles à tête blanche, martins-pêcheurs noirs, ibis, hirondelles, spatules d’un blanc de neige, planaient au-dessus de l’eau, ou se voyaient sur ses bords.

La Mpokoua descend d’un groupe de montagnes, situé à quelque huit milles au nord du village abandonné ; et, simple filet d’eau, serpente au milieu d’un fourré, où s’abritent des centaines de buffles et d’antilopes. Au sud du village, qui s’appelait également Mpokoua, la vallée s’élargit, les montagnes se détournent à l’est et à l’ouest ; et là commence le Rikoua, vaste plaine qui, dans la saison pluvieuse, est inondée, mais qui, pendant la sécheresse, offre le même aspect que toutes les terres de cette région, dont l’herbe a été blanchie par le soleil.

Le 21 octobre, suivant la rive droite de la Mpokoua, nous remontâmes jusqu’à la source de cette rivière qui s’échappe d’un profond défilé, situé entre de hautes montagnes. Le buffle et le mbahouata (tragélaphe de Speke) se virent en grand nombre pendant tout le trajet.

Le lendemain, après une étape de quatre heures et demie, nous arrivâmes au Mtambou, charmant ruisseau, à l’onde fraîche et douce, rapide et transparente, qui se dirige vers le nord. C’est là que nous vîmes pour la première fois la demeure du lion et du léopard. Écoutez ce qu’en a dit Freiligrath :

« Où l’impénétrable fouillis d’épines, de broussailles, de lianes, comble l’espace que laissent entre eux les arbres, où les branches enlacées ne permettent pas au jour d’éclairer le sol, là se retire le lion, le plus puissant des animaux, leur monarque. Là, son droit au rang suprême ne lui est pas contesté. Là il se couche et s’endort après avoir tué et s’être repu de chair et de sang. Là il se repose ou rampe à l’aventure, selon sa volonté souveraine… »

Le camp fut dressé à quelques pas de l’une de ces demeures