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miel et des sorbets à ses anciens compagnons, et finalement aux pagazis.

Nous ne fîmes que poser dans ce village, ayant encore une heure de marche pour gagner le Toura-Central. Du premier au second Toura, le chemin traverse de vastes champs de sorgho, de maïs, de millet ; des jardins remplis de patates, de concombres, de pastèques, de citrouilles, de melons musqués et d’arachides que l’on cultive dans le creux des sillons, entre les rangées de sorgho.

Près des villages, de plus en plus nombreux, des bananiers à large feuille se joignaient à ces diverses cultures.

Pareils à ceux des Vouagogo, les villages des Vouakimbou sont carrés, et à toit plat ; ils ont à l’intérieur une grande place, dont ils forment l’enceinte, et qui parfois est divisée en trois ou quatre sections, au moyen de palissades, faites avec des tiges de sorgho ; c’est là ce qu’on appelle le tembé.

Hamed, qui, en dépit de ses efforts, n’était pas parvenu à obtenir de ses pagazis tous les jours double étape, avait été obligé de camper à Toura, où il était encore lorsque nous arrivâmes.

Cette première nuit passée dans la Terre de la Lune fut assez émouvante et nous donna un échantillon de la gredinerie des gens de Toura. Deux voleurs s’introduisirent dans mon camp ; mais le cliquetis de la détente d’une carabine leur annonça que les ballots du Mousoungou étaient bien gardés, et ils prirent la fuite. Ils allèrent chez Hamed, où leurs espérances ne furent pas moins déçues : l’infatigable petit cheik arpentait son bma le fusil à la main, et enlevait aux filous toute chance de réussir.

De là, nos voleurs se rendirent chez Hassan, l’un des Vouasahouahili qui nous accompagnaient. Ils furent assez heureux pour atteindre les bagages et pour s’emparer d’une couple de ballots ; mais le bruit qu’ils firent en s’évadant réveilla le chef de la caravane, et l’un d’eux reçut une balle qui lui traversa le cœur.

Dès l’aurore tous les villages des environs savaient la triste nouvelle. Toutefois quelqu’audacieux que les habitants fussent dans l’ombre, ils étaient lâches au grand jour, et personne ne demanda raison du fait ; il n’y eut même pas un mot, pas un regard qui trahit le plus léger ressentiment. Ce fut un jour de halte ; et l’on nous apporta des vivres en si grande abondance, qu’avec deux dotis, je pus donner à tous mes hommes assez de grain, de patates, de miel et de beurre fondu pour célébrer notre arrivée dans l’Ounyamouézi.