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Trois heures de marche nous firent gagner le Petit-Moukondokou, territoire administré par le frère du sultan du Moukondokou proprement dit. Nous nous arrêtâmes pour payer le tribut. Douze mètres parurent suffisants au chef de ce petit canton, où il ne se trouve que deux villages, peuplés en majeure partie de Vouahoumba et de Vouahéhé qui ont abandonné leur tribu.

Les Vouahoumba sont des pasteurs ; ils habitent des cases revêtues d’un crépissage en bouse de vache, et dont la forme conique, est pareille à celle des tentes du Turkestan.

D’après ce que j’en ai vu, les Vouahoumba forment une race remarquable. Ils sont grands et bien faits, ont la tête petite, avec la partie postérieure extrêmement saillante ; mais le visage est d’une beauté réelle. Vous chercheriez vainement parmi eux de grosses lèvres ou un nez épaté. Au contraire, leur bouche est à la fois petite, délicate et d’une excellente coupe ; leur nez est droit, celui des anciennes statues ; c’est chez eux un trait si général que, tout d’abord, je les ai surnommés les Grecs d’Afrique. Loin d’avoir les membres lourds, comme ceux des Vouagogo et d’autres peuplades de cette région, ils ont la jambe longue et bien formée, nette comme celle d’une antilope ; les attaches fines, un cou mince et long, sur lequel la tête, bien posée, se balance avec grâce. Habiles dès le jeune âge à tous les exercices du corps, n’ayant d’autre labeur que le soin de leur bétail, ne se mariant qu’entre eux, ils conservent la pureté de leur race, et il n’est pas un de ceux que j’ai vus qui n’eût pu servir de modèle à un sculpteur pour une statue d’Hylas, d’Antinoüs, de Daphnis ou d’Apollon.

Aussi belles que les hommes, les femmes ont la peau très-fine, très-unie, — le grain et la netteté de l’ébène, — et d’un noir absolu, non pas la teinte du charbon, mais le noir de l’encre.

Des spirales de fil de laiton en pendants d’oreille, en collier, en bracelets, en ceinture constituent leurs ornements. Celle-ci retient une peau de chèvre, ou de veau, qui, placée en écharpe et attachée sur l’épaule, leur retombe jusqu’aux genoux.

Quant aux Vouahéhé, nous pouvons dire que ce sont les Romains de cette partie du monde.

Remis en marche au bout d’une heure, il nous en fallut quatre autres pour arriver au Moukondokou proprement dit. Cette extrémité de l’Ougogo est excessivement populeuse. Trente-six villages entourent le tembé de Souarourou, chef du district. Les gens qui accoururent de ces bourgades pour voir les hommes merveilleux dont la figure était blanche, dont le corps était couvert de choses