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aliments en un déjeuner qui pût satisfaire un estomac comme le mien, à la fois délicat et affamé.

La bonne digestion qui suivit ce régal prouva que mes efforts avaient pleinement réussi ; je trouve dans mes notes, à cette date mémorable : « Dieu soit loué ! après avoir vécu pendant cinquante-sept jours de bouillie de sorgho et de chèvre coriace, j’ai savouré avec une onctueuse satisfaction un déjeuner réel, et un véritable dîner. »

Ce fut dans l’un des nombreux villages de cet heureux district que je trouvai un asile pour Farquhar. La nourriture n’y était pas moins variée qu’abondante et s’y vendait beaucoup moins cher que les mauvaises denrées que nous achetions depuis longtemps. Le chef, qui se nommait Leucolé, un petit vieillard dont l’œil était doux, la figure agréable, ne demandait pas mieux que de veiller sur le malade ; mais il exigeait que celui-ci eût un de mes hommes pour le servir.

Tout d’abord je m’étais dit qu’on m’imposerait cette charge ; puis j’avais espéré qu’il n’en serait rien, et, que moyennant une gratification, le malade serait pris tout seul. Mais la persistance que mettait Farquhar à demander en anglais jusqu’aux moindres choses, et la fureur qu’il éprouvait de n’être pas compris, fureur d’où il ne sortait que pour se plonger dans un farouche silence, tirent que rien au monde ne put décider Leucolé à le garder sans interprète.

Déplorer la faute que j’avais commise en grevant l’expédition d’un pareil homme, ne servait à rien. Il était malade, et « quelle que fût son humeur, le devoir m’imposait de le faire soigner. J’appelai donc Bombay et lui demandai quel était celui de nos soldats que nous pouvions laisser à Farquhar avec le moins de désavantage pour nous. Mais Bombay de s’écrier : « Oh ! maître, est-ce pour nous jeter sur la route que vous nous avez conduits en Afrique ? Nous n’avons pas signé de contrat pour rester en arrière. C’est à vous suivre que nous nous sommes engagés, à vous suivre partout ; nous n’avons pas d’autre devoir. Le soldat que vous désignerez, fera semblant de vous obéir et s’enfuira dès que vous serez parti. Non maître, non, c’est impossible. »

Malgré l’assertion de Bombay, je demandai à chaque homme en particulier s’il voulait rester avec le malade. Chacun me répondit négativement et de la manière la plus formelle, donnant pour raison la violence du Mousoungou, et le traitement qu’il avait infligé aux soldats de sa caravane. Tous en avaient peur ; Oulimengo,