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situé, en bel et bon air, et qui nous promettait à la fois santé et confort. D’épaisses murailles, bâties en argile et formant un carré, enferment ses huttes coniques, peuplées d’un millier d’âmes. Aux environs sont d’autres villages riches et populeux, dont les habitants ont dans les manières une certaine indépendance qui n’a rien de désagréable. Des ruisseaux limpides, babillant sur du gravier et sur des cailloux, y font une musique délicieuse à l’oreille du voyageur.

Le bambou atteint dans le voisinage assez de volume pour qu’on en fasse des perches solides, à l’usage des tentes et des camps, et en assez grand nombre pour approvisionner toute une armée. Enfin les montagnes sont garnies de beaux arbres qui fourniraient d’excellent bois de charpente.

Nous passâmes quatre jours dans cet agréable endroit pour nous remettre un peu, avant de tenter l’escalade des monts de l’Ousagara ; puis malgré leur faiblesse, bêtes et gens gravirent les flancs abrupts des premiers degrés de la chaîne.

Arrivés au sommet, nous vîmes se déployer, comme en un tableau de maître, la vallée de la Makata, avec ses cours d’eau, semblables à des câbles d’argent que le soleil faisait étinceler ; avec ses bois de palmiers, qui lui prêtaient leurs charmes ; avec ses grandes lignes allant jusqu’aux monts de l’Ourougouru et de l’Ousouapanga, qui bleuissaient au loin et formaient un dernier plan, digne de cette vaste étendue. Toutes ses misères étaient effacées, nous ne voyions plus que sa grandeur.

Nos visages se tournèrent à l’ouest ; et nous nous trouvâmes dans un océan de cônes, de crêtes, de pics surgissant les uns derrière les autres, se heurtant et se dépassant à l’envi. Au nord, au sud, au couchant roulaient des flots de cimes, comme autant de vagues énormes. Pas un point dénudé, une place aride : sur toutes les pentes, dans tous les fonds, à tous les faîtes, partout la forêt et son manteau de verdure. Le diorama n’a pas de changements plus soudains, de contrastes plus frappants.

Après tant de plaines inondées, tant de fondrières, ce tableau nous ravissait ; mais pour nos ânes affaiblis et chargés, l’escalade fut une cruelle épreuve : À la halte du soir, il nous en manquait deux, morts dans le trajet, qui cependant n’avait été que de sept milles ; c’était le premier à-compte de ce que nous devions à la Makata.

Dans les gorges des montagnes, une eau abondante et limpide coulait, tantôt sur un fond granitique, tantôt sur un lit de grès