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me plonger. — Ô toi que j’ai tant aimé ! pourras-tu revoir ce rivage, sans que le souvenir de Sapho émeuve ton cœur ! Elle avoit reçu du ciel le don du génie ; toutes les merveilles de la nature parloient à son âme, et cependant ta seule voix étoit devenue nécessaire à son cœur, et par degrés le monde entier s’est tu, quand elle ne t’a plus entendu. Toi qui m’as abandonnée sur cette terre, ton nom du moins, ton nom sera pour jamais inséparable du mien dans l’avenir, et cette vaine ombre d’une union tant désirée est encore chère à mon cœur. — Je l’avoue, j’ai pitié de moi ; je pleure ces talens qui me remplissoient d’un si glorieux espoir dans les beaux jours de ma jeunesse. Mais qu’y a-t-il de réel sur la terre, si ce n’est la douleur ? Que vaut ce reste de vie que je vais immoler ? Vous, heureux époux ! vous vous croyez possesseurs du temps ; il vous échappera comme à moi ; je ne laisse sur la terre que des mourans. Ô terre ! dont je ne reverrai plus ni les fruits ni les fleurs, je te dérobe ma triste dépouille ; un charme secret m’attire vers la mer. Je vois les vagues se soulever ; il me semble qu’elles m’appellent, et qu’une puissance mystérieuse m’invite à m’y confier. Eh bien ! je vous entends, divinités souterraines ; l’amour, la gloire, l’air