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DANS LE DÉSERT.

donner aucun secours ; le ciel et la terre m’en refusent. Le voyageur du désert ne portera-t-il point ses pas dans ces lieux ? — Non, non, aucun être vivant ne sauroit y subsister : les oiseaux, les insectes mêmes ont quitté cette horrible solitude ; il n’y a ici qu’un fils et sa mère, et le Tout-Puissant les y abandonne. Ah ! Dieu, ai-je mérité une telle douleur ? quel est le crime qui ne seroit pas trop puni par les maux que j’endure ? Je considère ma vie : sans doute elle fut pleine de faiblesses. L’amour m’aveugla, la vanité me séduisit. Je voulus plaire et régner ; mais au fond de mon cœur, votre image, ô mon Dieu ! ne fut jamais effacée. Je vous adorai dans tout ce qui est beau sur la terre, dans tout ce qui est inconnu dans le ciel. Jamais le malheur ne m’a trouvée insensible ; je n’aurois jamais refusé à personne la pitié que j’implore en ce moment. Dieu tout-puissant, telle que j’étois enfin, vous m’avez trouvée digne d’être mère, vous m’avez accordé cette gloire et ce bonheur. La tendresse que j’éprouve pour cet enfant ne ressemble-t-elle pas à votre amour pour la créature, et les cris d’une mère ne retentissent-ils pas dans le ciel ? Rendez mon fils à la vie, que j’entende sa voix, que ses bras innocens me pressent encore, que ses regards si doux s’attachent encore sur moi ! Ô Dieu !