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LA SUNAMITE.

ton serviteur devroit voir sans trembler la victoire du sépulcre : m’est-il permis de la lui ravir ? Cet enfant qui n’a point encore connu les délices de la vie, faut-il qu’il les ignore ? Cet enfant qui t’a chéri, Dieu d’Israël, dès ses plus jeunes années, la mort sera-t-elle son partage ? La mort, tu l’as nommée toi-même le roi des épouvantemens ; souffre donc qu’un âge plus fort lutte seul avec elle. Que l’homme présomptueux soit trompé dans ses espérances, que les orgueilleux succombent, que l’esprit jaloux soit humilié. Mais n’as-tu pas dit, ô Éternel ! que les enfans et les foibles étoient ton troupeau chéri ? — Jette les yeux sur celle dont le cœur est brisé, et qui tremble à ta parole : sans doute elle fut coupable ; mais, dans ta balance suprême, pèse sa faute avec son malheur, et peut-être tu la trouveras légère. Redonne, ô Tout-Puissant ! redonne encore une fois cet enfant à sa mère. Dis à la mort de retourner sur ses pas : un jour tu lui rendras sa proie ; mais du moins alors la mère ne vivra plus. Accorde encore à Semida quelques-unes de ces années que l’homme implore avec tant d’ardeur, et dont l’éternité se joue. Ô mon Dieu ! le terme de ma vie approche ; mes lèvres déjà glacées s’ouvrent avec peine ;