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naturellement trouvé dans l’obligation de l’employer aussi pour rendre affectio, et il est toujours fâcheux de n’avoir qu’un seul mot où l’auteur en a deux. Le mot sentiment, pris au sens où l’emploient MM.  Ribot et Rauh, dans leurs ouvrages bien connus (Psychologie des sentiments, De la méthode dans la psychologie des sentiments), eût eu l’avantage de donner d’abord au lecteur une idée plus précise du sujet traité par Spinoza dans la troisième Partie de l’Éthique, mais je l’ai jugé trop moderne dans ce sens, et il y avait intérêt, en outre, à rendre aisément perceptible la relation établie par l’auteur entre afficere, affectio, affectus. Sauf en deux ou trois passages où l’emploi du mot affection eût pu créer une équivoque, j’ai donc écarté sentiment. Si le mot affect ou affet (en allemand Affekt), formation analogue à effet, eût existé dans le vocabulaire, bien des hésitations m’eussent été épargnées, mais je ne pouvais prendre sur moi de le créer.


Propositions I à XIII. — Ces treize premières propositions font connaître la nature des trois affections ou passions fondamentales : le désir, la joie, la tristesse et expliquent la transformation de la joie et de la tristesse en amour et en haine. Le point le plus important à bien saisir est le rapport du désir (cupiditas) avec la volonté (voluntas) le texte capital se trouve au commencement du Scolie de la Proposition 9. La volonté est l’effort par lequel l’Âme considérée en elle-même, comme une pensée singulière et active, tend à se conserver ; en d’autres termes, c’est l’affirmation par l’âme de sa propre existence et, par conséquent, de toutes les idées qui sont en elle. On a vu dans la deuxième Partie (Corollaire de la Proposition 49 ; voir la note) que cette affirmation était pour Spinoza tout à fait identique à la conception même des idées : Voluntas idem est ac intellectus. Le désir est l’essence de l’homme considéré comme formé d’une âme et d’un corps ; la volonté est donc le désir envisagé uniquement comme générateur d’idées.


Proposition II, Scolie. — Tout ce Scolie est dirigé contre le dualisme cartésien. On remarquera la façon dont Spinoza réfute, page 260, l’argument tiré par les dualistes, partisans d’une action directe exercée par l’âme sur le corps, du témoignage de la conscience ; vous prétendez, dit-il, savoir d’expérience que certains mouvements du corps sont déterminés par les pensées de l’âme ; mais l’expérience n’enseigne-t-elle pas également que pendant le sommeil du corps l’âme est incapable de penser ?

Pour bien comprendre l’objection, il faut se rappeler que, suivant les Cartésiens, la pensée est l’essence de l’âme, et que par conséquent l’âme pense toujours ; à votre point de vue, dit Spi-