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tion 17, Partie I) ; sa spontanéité, son automatisme (au sens que donne Spinoza au mot dans la Réforme de l’entendement, § 46 est seulement contrariée par la dépendance dans laquelle il se trouve ; n’étant que des fragments, par eux-mêmes inintelligibles, d’une vérité qui le dépasse infiniment, ses idées, sauf quand il s’est rendu capable de suivre la vraie méthode, se succèdent sans s’engendrer les unes les autres (sine ordine ad intellectum, comme il est dit dans le Scolie 2 de la Prop. 40) ; il est très imparfaitement cause de ce qu’il pense (sent, imagine), bien qu’il ne soit jamais purement passif. D’autre part, et parallèlement, son effort pour conserver le corps doit compter à chaque instant avec les actions qui du dehors s’exercent sur le corps et qui tantôt lui sont favorables, tantôt lui sont contraires ; d’où une suite de changements ou de manières d’être du corps qui sont en partie seulement explicables par son essence. L’état du corps est à chaque instant le résultat d’une sorte de conflit entre la causalité propre du vivant (son effort pour subsister) et les causes extérieures. Il y a dans Spinoza comme un pressentiment de certaines théories modernes relatives à l’ontogenèse (voir, dans l’étude publiée par M. Léon Brunschvicg sur Spinoza et ses contemporains 3e article, Revue de Métaphysique et de Morale, septembre 1906, d’intéressantes observations à ce sujet).


Propositions XIV à XIX. — Dans ces Propositions sont tirées les conséquences des principes posés précédemment : la nature du fait de conscience est expliquée ; celle aussi de l’imagination ou, pour parler un langage plus conforme à l’usage actuel, de la représentation sensible (imaginari signifie se représenter ; la perception extérieure est une imaginatio dite aussi contemplatio) ; enfin, celle de la mémoire ou, plus exactement, de l’association des idées. Il est établi enfin que nous ne pouvons percevoir le corps autrement qu’en le sentant ou l’imaginant, d’une façon confuse par conséquent.


Proposition XVII, Scolie. — Les définitions de l’image et de l’imagination données page 171 établissent clairement la dépendance de l’âme, sa servitude. Nous ne pouvons pas nous empêcher d’éprouver des sensations ou de former des représentations qui expriment l’état actuel du corps, lequel est déterminé dans une très large mesure par des causes extérieures (l’ordre commun de la Nature) ; nous ne pouvons pas ne pas être passifs. Est-ce à dire cependant que l’on ne puisse concevoir une imagination active ? Dans les dernières lignes du Scolie, Spinoza dit clairement le contraire et, dans la cinquième Partie, il montre que les affections du corps et, par suite, les représentations sensibles