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dans l’Appendice de la première Partie, p. 167). Le géomètre a le droit de parler du cercle ou de l’ellipse ; le concept clair qu’il forme de ces figures est très différent de l’idée générale confuse qu’en a le non-géomètre, qui se représente par l’imagination des cercles et des ellipses. De même, il peut y avoir une idée claire de l’homme : l’âme humaine se définit par la connaissance (intelligentia, voir fin de la Partie IV) : il y a des notions communes à tous les hommes ; l’idée de Dieu est présente dans toutes les âmes, si elle ne tient pas la même place dans toutes ; l’âme humaine est donc connaissance (non pas seulement idée ou conscience). Cette connaissance quant à son existence présente est liée à l’existence d’un corps qui est nécessairement individuel ; mais on conçoit que tous les corps d’hommes ou d’êtres doués de connaissance claire aient en commun des caractères susceptibles d’une détermination quantitative : le nombre des parties, la proportion de mouvement et de repos qui existe en elles devant être, par exemple, compris entre certaines limites. Il sera donc permis de parler de l’homme et de concevoir tous les individus humains comme satisfaisant à certaines conditions clairement assignables. Dans certains passages, on l’observera, et par exemple dans le Scolie de la Proposition 57, Partie III, Spinoza semble admettre que l’espèce et plus généralement les groupes entre lesquels se répartissent les vivants ont une nature propre ; or une théorie, comme celle que j’indique ci-dessus, posant l’existence de conditions limites, mathématiquement assignables, auxquelles satisfont les êtres de même dénomination, permet d’attribuer à une espèce une compréhension bien définie, et il ne me paraît pas qu’aucune autre le puisse.


Proposition XII. — Cette proposition établit la nécessité du fait de conscience ; bien que la démonstration de la Proposition 13 ne contienne aucun renvoi à la Proposition 12, cette dernière n’en est pas moins indispensable à la pleine intelligence de la suivante.


Proposition XIII. — Si, comme le fait W. Meijer, on traduisait corpus par un corps dans l’énoncé, la pensée de l’auteur paraîtrait plus claire à première vue et, dans la démonstration, l’emploi de l’article indéfini devant corps rendrait aussi plus aisée la traduction du membre de phrase idque actu existens. J’ai cependant préféré l’article défini, parce que Spinoza me semble avoir en vue le corps que dans l’Axiome 4 il affirme que nous sentons, affecté de diverses manières. La marche de la démonstration est à mes yeux la suivante :

1o  Axiome 4 : nous éprouvons des sensations qui enveloppent