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ÉTHIQUE

se joignent l’un à l’autre, ils composent un individu deux fois plus puissant que chacun séparément. Rien donc de plus utile à l’homme que l’homme ; les hommes, dis-je, ne peuvent rien souhaiter qui vaille mieux pour la conservation de leur être, que de s’accorder tous en toutes choses de façon que les Âmes et les Corps de tous composent en quelque sorte une seule Âme et un seul Corps, de s’efforcer tous ensemble à conserver leur être et de chercher tous ensemble l’utilité commune à tous ; d’où suit que les hommes qui sont gouvernés par la Raison, c’est-à-dire ceux qui cherchent ce qui leur est utile sous la conduite de la Raison, n’appètent rien pour eux-mêmes qu’ils ne désirent aussi pour les autres hommes, et sont ainsi justes, de bonne foi et honnêtes.

Tels sont les commandements de Raison que je m’étais proposé de faire connaître ici en peu de mots avant de commencer à les démontrer dans l’ordre avec plus de prolixité, et mon motif pour le faire a été d’attirer, s’il est possible, l’attention de ceux qui croient que ce principe : chacun est tenu de chercher ce qui lui est utile, est l’origine de l’immoralité, non de la vertu et de la moralité. Après avoir montré brièvement