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ÉTHIQUE

avait eu un autre entendement en acte et une autre volonté, son essence aussi eût été nécessairement autre ; et par suite (comme je l’ai d’abord conclu), si les choses eussent été produites par Dieu autrement qu’elles ne sont actuellement, l’entendement de Dieu et sa volonté, c’est-à-dire (comme on l’accorde) son essence, devraient être autres, ce qui est absurde.

Puis donc que les choses n’ont pu être produites par Dieu d’aucune autre manière et dans aucun autre ordre, et que la vérité de cette proposition est une conséquence de la souveraine perfection de Dieu, nous ne nous laisserons certes jamais persuader par aucune raison que Dieu n’a pas voulu créer toutes les choses dont son entendement a l’idée avec autant de perfection qu’il s’en trouve dans les idées. On objectera qu’il n’y a dans les choses ni perfection ni imperfection, ce pour quoi elles sont dites parfaites ou imparfaites et bonnes ou mauvaises, dépendant uniquement de la volonté de Dieu ; d’où suit que, si Dieu l’eût voulu, il eût pu faire que ce qui est actuellement perfection fût une extrême imperfection et vice versa. Mais qu’est-ce