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taine gravure représentant la Trinité. Pour aider l’imagination du pieux lecteur à concevoir ce mystère, le dessinateur a figuré trois personnes chaussant leurs six pieds dans deux bottes[1]. Les idées que présuppose la littérature populaire sont en parfaite harmonie avec ces conceptions dont la grossièreté nous confond. Qui veut juger des idées théologiques des temps où l’autorité du Pape était suprême, avant qu’on eût protesté contre la vente des indulgences, n’a qu’à lire une histoire du recueil des frères Grimm intitulé Contes populaires. Elle a pour titre Le tailleur dans le ciel. En voici un abrégé qu’on a bien voulu faire pour nous.

« Un jour que Dieu avait été se promener avec les saints et les apôtres, il laissa Pierre à la porte du ciel, en lui ordonnant expressément de ne laisser entrer personne. Bientôt après arriva un tailleur, demandant qu’on lui ouvrît la porte. Pierre lui dit que Dieu avait défendu de laisser entrer personne ; que de plus il avait mauvaise réputation et passait pour voler l’étoffe de ses pratiques. Le tailleur répondit qu’il n’avait pris que de petits morceaux qui étaient tombés dans sa corbeille et qu’il se rendrait utile — il porterait les enfants, laverait et raccommoderait les vêtements. À la fin Pierre le laissa passer, mais il le fit asseoir dans un coin derrière la porte. Cependant, Pierre étant sorti un moment, le tailleur en profita pour se lever et examiner les environs. Il arriva bientôt à un endroit où il y avait beaucoup d’escabeaux et au milieu d’eux un fauteuil d’or massif et un tabouret d’or, appartenant à Dieu. Le tailleur grimpa sur le fauteuil et de là il pouvait distinguer tout ce qui se passait sur la terre. Il aperçut une vieille femme qui lavait du linge dans un ruisseau et il vit qu’elle dérobait quelque chose. Dans sa colère, il saisit le tabouret et le lui lança. Ne pouvant pas le ravoir, il pensa que le mieux était de retourner dans son coin derrière la porte, où il se rassit en prenant un air innocent. Dieu rentra, sans faire attention au tailleur, et ne trouvant pas son tabouret, il demanda à Pierre ce qu’il était devenu. Pierre

  1. On ne connaît que quatre exemplaires de ce psautier. Celui dont nous nous sommes servi pour cette description fait partie de la magnifique collection de M. Henry Huth.