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qui par conséquent ne perçoivent aucun lien nécessaire entre les divers états qu’elle a successivement traversés, ne seront pas détournés de tirer une conclusion politique d’un fait accidentel, par le sentiment de la lente genèse des phénomènes sociaux. Mais ceux qui se sont élevés à cette idée que la société accomplit une évolution, quant à la structure et aux fonctions, se sentiront hésiter en face de l’interminable développement à travers lequel il faut remonter pour trouver très-loin la cause d’un effet récent.

On n’apprécie même pas exactement les faits successifs présentés par la vie d’un individu, parce qu’en général on est incapable d’embrasser par la pensée la série d’opérations qui conduit graduellement au résultat définitif. Nous en voyons un exemple dans la mère qui a l’absurdité de céder à un enfant méchant pour avoir la paix, sans être capable de prévoir qu’à la longue, son système produira la discorde à l’état chronique. La saine appréciation des résultats est rendue encore plus difficile pour une nation, dont le minimum de vie, s’il s’agit d’un type supérieur, est de cent générations d’hommes, par la durée prodigieuse des actions au travers desquelles les antécédents produisent leurs conséquences. Un législateur choisi dans la moyenne raisonne en politique à peu près comme la mère de l’enfant gâté ; il juge qu’une chose est bonne ou mauvaise, d’après son résultat immédiat ; que ce résultat soit bon, et la mesure passe pour être suffisamment justifiée. Tout dernièrement, nous avons vu procéder à une enquête sur les résultats d’une administration qui fonctionnait depuis cinq ans ; il était tacitement convenu que si les résultats étaient reconnus bons, ce serait la justification de l’administration.

Pourtant s’il est une vérité qui crève les yeux quand on fouille les annales du passé, non pour s’amuser aux récits de batailles ou pour se repaître de scandales de cour, mais pour surprendre l’origine et le jeu des lois et des institutions, c’est que bien des générations passent avant qu’on puisse voir ce qui sortira d’une action accomplie. Voyez nos Lois des Pauvres. Quand, le servage ayant disparu, les vilains ne furent plus soutenus par leurs propriétaires, — quand personne n’eut plus à maîtriser les manants et à subvenir à leurs besoins, il se forma une classe toujours plus