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critiques, qu’on reconstruise métriquement avec le vers libre le plus dégagé de simples suites d’alexandrins ?M. Remy de Gourmont à réussi cette opération avec des vers de La Clarté de Vie de cette manière :

Car vois, / les marbres d’or aux cannelures fines /

Sont riches du soleil qui décline, / versant

Avec sa joie la soif des vins / qu’elle mûrit / ;

fragment qui dans l’original forme cinq vers de 2, 10, 9, 10,4 syllabes.— Voilà qui prouverait que vos principes n’ont guère d’efficacité, puisqu’ils n’aboutissent qu’à vous faire retomber inconsciemment dans le nombre douze fatal et souverain ? ou qu’il suffit de quelque doigté dans la ponctuation linéaire pour disposer des vers libres ?

Réponse. — Rien ne peut être objecté de moins sérieux. On peut toujours faire ce qu’on veut avec n’importe quoi et, en particulier, de deux petits nombres un plus grand. Dans tous les arts du mouvement, danse, musique, poésie, il est facile de constituer une grande figure de plusieurs petites détachées, et vice versa : il suffit de changer la direction initiale. Tout ce qui agit dans le temps est susceptible d’être à volonté unifié ou redoublé, ramassé ou distendu sans modification dans les éléments mêmes, si l’on substitue une direction à une autre. L’on sait qu’avec peu d’efforts un adagio devient une polka. La fortune du nombre douze, comme après lui du nombre huit, a grandi justement de sa faculté prédominante sur celle des autres nombres d’agglomérer, d’attirer inconsciemment pour sa formation les groupes inférieurs les plus divers. Aussi, par un retour naturel pour les besoins de l’expression fraîche, les progrès des arts du mouvement