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de ce qu’on appelle la prose n’ont presque pas été étudiés, mais le « rejet » existe en prose comme en vers. Ce qui détermine le rejet est en effet, — outre V « enjambement » d’un mot sur la césure, d’un vers sur l’autre, ou la chute du sens après le sursaut de la rime, le brusque arrêt d’un rythme très court d’accents forts fermant un membre de phrase à rythme discontinu, comme dans cet exemple admirable de Pascal : « Le silence de ces espaces infinis m’effraie. »

Il n’y a pas dans tout Hugo d’ « enjambement » plus beau que celui-là. — Cependant le vers libre ne se contente pas d’utiliser ainsi plus rationnellement tels genresde « beautés », il ne se prive pas des manières anciennes, parce qu’il ne faut pas cesser de le redire : il ne supprime rien, absolument rien. Il ajoute, il ajuste, il affine. Il se contente de ne pas faire d’un accident, comme du rejet par exemple, une base prosodique indéfendable, contraire à la nature de notre versification comme de toute versification librement accentuée.

Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que là où la prose est impuissante d’y parvenir à cause de sa virtualité, et les vers par l’abstraction et l’illogisme de leur cadre, le vers libre réussit souvent à soutenir une phrase musicale au-dessus de l’ordre syntaxique, parce que « les coupes logiques du sens » ne sont ses « génératrices » que suivant « les accents passionnels ». Toute la portée de notre loi du mouvement est dans ces mots.

Cliché IX. — Soit ! admettons votre principe ; il reste une objection de fait : vous avez soutenu tout à l’heure que notre préférence pour les alexandrins purs mêlés aux vers libres provenait de notre impuissance à sentir rythmiquement ; comment est-il donc possible, suivant les remarques de plusieurs