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picturales ou musicales en quoi sont-elles autre chose que des « principes généraux » sans cesse transformés par la mise en œuvre personnelle ?Le vers libre à son tour obéit à de véritables lois analogues, phoniques et rythmiques, indépendantes des recherches propres à chaque poète, tandis que l’impersonnalité de l’ancien vers ne tient qu’à des procédés. Les académiques ne le voient point, parce qu’ils ont toujours pris de simples recettes historiques pour des lois physiologiques. Ces formules ne furent jamais que subies des bons poètes. Ils en tiraient des beautés, mais par l’application de lois d’équilibre et de correspondances, soit d’harmonie, soit de rythme, toutes différentes des symétries arbitraires, lois véritables celles-là, et générales, suivant les phénomènes naturels de la parole rythmée, jeux d’accents, d’agglutinations et de timbres, sans lesquels n’eussent jamais pu naître à la poésie, comme disait André Chénier en un vers qui est un exemple,

Les nombres tour à tour turbulents et faciles.

Le vers libre doit faire définitivement triompher le scrupule de ces lois intérieures traditionnelles sur les recettes puériles des grammairiens.

Mais il peut souffrir d’une virtualité apparente qui n’est pas celle de l’art, qui est celle du public dans sa période de déchiffrement.

Cliché VI. — Cette période, il nous semble, se prolonge beaucoup… Ne demandez-vous pas à notre ouïe plus qu’elle ne peut supporter à la fois ? L’oreille comme tous les organes de l’homme prend des habitudes dont elle ne triomphe que lentement. Vous avez sans doute cent fois raison, mais c’est trop