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Il serait bon de nous étendre sur certains points et de les fixer, sans entrer dans les détails, sans chercher dans cette revue d’ensemble à préciser ainsi ces graves et primordiales questions de Yunité Du temps rythmique et de Y unitéDe temps métrique, trop imparfaitement résolues encore. Et nous craindrons d’autant moins l’éternel reproche de nous arrêter avec plus de complaisance sur ces points que sur le reste, que ce sont ces points mêmes qui retiennent davantage l’attention injurieuse de nos critiques.

Il est d’abord nécessaire de formuler à la manière de Théodore de Banville :

Article unique. — Il n’y a pas de vers libre.

Bien mieux : il n’y en a jamais eu et il n’y en aura jamais…

L’appellation « vers libre » ne peut avoir aucune signification, dans le sens nouveau comme dans l’ancien. Dans l’ancien, on sait qu’elle désigne une suite de vers de différentes longueurs. Mais chacun des vers ne gagne pas pour cela quelque liberté, et l’alexandrin reste ce qu’il serait sans ses voisins plus courts ou plus longs. Dans le sens nouveau, ou le vers perd sa figure distinctive s’il devient réellement « libre » pour n’être qu’une partie, résolue plus loin, du développement rythmique, et alors ce n’est plus un « vers » ; ou il garde sa netteté classique, et il ne peut être qualifié de « libre ». Les deux termes sont contradictoires.

Cette appellation n’est donc qu’une étiquette qui ne définit rien, même si l’on a soin d’employer le pluriel pour les vers de La Fontaine et le singulier pour les modernes. On est obligé de s’en servir puisqu’elle a passé dans l’usage, mais en sachant bien qu’elle est absurde, et d’autant plus qu’elle semble donner le droit d’être libre au hasard.