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méritaient l’attention, et ces revues ne devaient séparer l’œuvre de sa critique. La Revue des Deux-Mondes elle-même l’avait observé dans la période du romantisme, quand Gustave Planche grillait à petit feu ses écrivains, tous collaborateurs de la revue. Il est vrai lorsqu’une œuvre est connue de tous, qu’il n’est pas nécessaire, pour l’examiner,de la produire ; étaitce le cas des symbolistes ? Les deux études plutôt sympathiques de M. Brunetière concluaient à l’attente des œuvres ; ces dernières parurent nombreuses, la troisième étude ne vint point…

Ce n’est pas tout : romantiques et parnassiens étaient énergiquement soutenus par des éditeurs compréhensifs ; la trahison constante des nôtres par mollesse ou inintelligence est légendaire. Ils gâchèrent, enfouirent ou corrompirent d’admirables forces venues à eux en tout abandon. Leur cervelle de lunatiques bouquinistes confondait le poème avec la curiosité bibliographique ; ou leur suffisance d’honnêtes petits comptables se croyait très entendue de capter toute poésie pour n’en faire qu’une belle devanture à leur magasin. Frappés de pyrrhonisme commercial ou hypnotisés par le soidisant « grand public », ils niaient et ne savaient point servir ce public d’unités, ce mystérieux, mais intense public de l’œuvre d’art. Les symbolistes s’aperçoivent trop tard, s’ils s’en aperçoivent, qu’ils jouèrent le rôle des têtes de cire dans la montre des coiffeurs.

Par quel phénomène, malgré une obstruction, unique, je crois, dans l’histoire de notre littérature, des œuvres à petit nombre d’exemplaires et la seule foi des poètes déterminèrent-elles donc tant d’influence ? L’examen de ce problème fort instructif pour le jeune