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La preuve nous en est donnée par Victor Hugo lui-même dans une note de la nouvelle série des Choses vues :

« 7 mars 1830, minuit.

« On joue Hernani au Théâtre-Français depuis le 25 février. Cela fait chaque soir cinq mille francs de recettes. Le public siffle tous les soirs tous les vers ; c’est un rare vacarme, le parterre hue, les loges éclatent de rire. Les comédiens sont décontenancés et hostiles ; la plupart se moquent de ce qu’ils ont à dire. La presse a été à peu près unanime et continue tous les matins à railler la pièce et l’auteur. Si j’entre dans mon cabinet de lecture, je ne puis prendre un journal sans y lire : « Absurde comme Hernani ; niais, faux, ampoulé, prétentieux, extravagant et amphigourique comme Hernani. » Si je vais au théâtre pendant la représentation, je vois à chaque instant dans les corridors où je me hasarde des spectateurs sortir de leur loge et en jeter la porte avec indignation. Mlle Mars joue son rôle honnêtement et fidèlement, mais en rit même devant moi. Michelot joue le sien en charge et en rit derrière moi. Il n’est pas un machiniste, pas un figurant, pas un allumeur de quinquets qui ne me montre au doigt. »

(« Michelot—don Carlos— que sert une rare intelligence », dit le poète dans ses notes à la fin à’Hernani.)

Cependant Victor Hugo écrivait quatre jours plus tard, le 11 mars, dans sa préface :

« … Le public des livres est bien différent du public des spectacles, et l’on pouvait craindre de voir le second repousser ce que le premier avait accepté. Il n’en a rien été(IH). Le principe de la liberté littéraire, déjà compris par le monde qui lit et qui médite, n’a pas été moins complètement adopté par cette immense foule (!), avide des pures émotions d’art, qui inonde chaque soir les théâtres de Paris. »