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qu’ils savaient non seulement se soumettre aux choses, mais s y « incorporer ». S’appuyant sur une théorie de M.Bergson, M. Tancrède de Visan constate que des deux manières de connaître l’obj.et : l’une qui consiste « à tourner autour », l’autre « à entrer en lui », la première « analytique » n’atteint que le relatif, la seconde « intuitive » touche à t’absolu, parce que en effet « le monde, en plus de sa réalité propre, est le produit de nos sens et aussi de notre intelligence ». — Ainsi, dirons-nous, en traduisant esthétiquement, de même que notre idéalisme symbolique est vivifié par notre sensibilisme mystique, notre réalisme sentimental est enrichi par un sensibilisme naturien qui ne laisse perdre aucune des soumissions les plus abandonnées, mais avec cet immense progrès sur celles du passé et du présent négatif que « l’idéalisme symbolique » initial les situe — identifiant notre moi aux choses — dans la vraie vérité.

En touchant ces quatre points cardinaux qui ne s’opposent que pour être joints, selon l’aimantation du Nord, au propre (Ile-de-France, langue d’oïl, songes celtiques, transmissions anglaises) comme au figuré, le symbolisme forme bien le cercle distinctif de la poésie, et le plus plein, le plus vivant.

Il ne faut pas oublier que Lamartine, qui se connaissait mal, écrivait : « La poésie est de la raison chantée » ; et hier encore M. Faguet n’attendait de nous qu’un grand poème platonicien, — à la fois trop et trop peu. Que voilà un rêve d’abstracteur ! Nous retrouvons cette marotte de la connaissance chez tous ceux en qui l’art n’a jamais réellement habité, qui ne veulent pas que le poète, comme tout artiste, soit celui qui pense par les sens. Rien ne peut être étranger au poète, si toutefois le magasin de sa raison reste, dans l’instant qui le