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d’être ridicule en admirant une chose neuve ; il lui faut une clarté de verre, une limpidité d’eau filtrée, une exactitude géométrique, une grande sobriété d’ornements, car le moindre détail le distrait du fond. — Le Français n’est ni poétique, ni plastique… » {Les Grotesques, p. 261).

Afin de remédier, par périodes correspondantes, à ces déplorables états d’esprit, on ouvrit toutes grandes sur le monde les fenêtres des frontières ; l’air fut renouvelé et, avec la poésie, entra du large. Et la poésie nouvelle gardait du réalisme national ce qu’il en fallait. — Nos pauvres négatifs oublient simplement qu’aux grandes époques, surtout au xvne siècle (pour lequel la langue, plus que pour aucun autre, créait la patrie), notre littérature fut toujours européenne alors qu’elle était la plus nationale, et européenne autant par importation des matières premières que par exportation des produits nouveaux.

C’est ainsi que l’influence étrangère aida le romantisme à vaincre la sécheresse du xvine siècle, comme elle aida le symbolisme à triompher du naturalisme déprimant.

Mais quand on compare cette influence chez les romantiques et chez les symbolistes, on remarque en faveur de ces derniers une nuance considérable : les romantiques s’inspiraient directement des œuvres anglaises et allemandes. Lamartine continuait Byron dans « le dernier chant » de ChildHarold, Musset transcrivait Don Juan dans Mardoche ou Namouna,Gautier dans Albertus ; Shakespeare et Goethe pastichés, découpés, pillés, traduits et retraduits, voyaient tous leurs héros, et dans leur extériorité de physique et de costume, devenir les héros mêmes des romantiques. Rien de semblable chez les symbolistes. Ceux-ci n’ont cherché qu’une