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le faubourg. J’avais remarqué sa fruiterie dégarnie où personne n’entrait, et, attiré par cet abandon, j’y faisais mes modestes achats. J’ai toujours préféré, d’instinct, les pauvres boutiques, j’y trouve moins de choix et d’avantages ; mais il me semble que mon achat est un témoignage de sympathie pour un frère en pauvreté. Ces petits commerces sont presque toujours l’ancre de miséricorde de destinées en péril, l’unique ressource de quelque orphelin. Là le but du marchand n’est point de s’enrichir, mais de vivre ! L’achat que vous lui faites est plus qu’un échange, c’est une bonne action.

La mère Geneviève était encore jeune alors, mais déjà dépouillée de cette fleur des premières années que la souffrance fane si vite chez les femmes du peuple. Son mari, menuisier habile, s’était insensiblement désaccoutumé du travail pour devenir, selon la pittoresque expression des ateliers, un adorateur de saint Lundi. Le salaire de la semaine, toujours réduite à deux ou trois jours de travail, était complétement consacré par lui au culte de cette divinité des barrières, et Geneviève devait