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vous venez de converser sur les chenilles et les navets, mais c’est pas là mon affaire, je voudrais savoir si j’ai celui de parler au fondateur de l’Église nationale ?

— À lui-même, mon ami, dit le ministre.

— Alors, reprit l’ouvrier, qui s’était évidemment rafraîchi assez de fois pour se trouver légèrement échauffé, vous êtes l’abbé Coulant, le véritable abbé Coulant ?

— Précisément.

L’ouvrier lui donna dans la poitrine un coup de poing d’amitié.

— Eh bien, vous êtes mon homme, s’écria-t-il, c’est vous que je cherche ! Depuis ce matin je suis entré chez tous les marchands de vin du quartier pour savoir l’adresse de l’Église nationale ; ni vu ni connu ! Il paraît que votre religion est ici en chambre garnie ?

L’abbé Coulant voulut s’excuser.

— Y a pas de mal, reprit l’ouvrier ; moi aussi, je le suis, en chambre garnie, et pas si bien logé que votre bon Dieu encore ! Mais à la guerre comme à la guerre.

— Vous aviez quelque question à m’adresser ? demanda le prêtre.

— J’en ai vingt, des questions, répliqua l’ouvrier, vu qu’on m’a dit que vous étiez un bon enfant ; et moi, j’aime les bons enfants.

— Enfin.

— En douceur, donc ! Pour en venir à la fin, il faut prendre au commencement. Pour lors, mon abbé, vous saurez que je m’appelle Narcisse Soiffard, un nom qui en vaut un autre, et que j’ai une fille de douze ans qui aide sa mère à carder les matelas. Y a pas de péché à ça, qu’il me semble.