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tre à neuf, et une douzaine de clous suffisent pour restaurer l’ordre de choses. De plus, point de cour, de liste civile. Toute la maison présidentale se réduit à une brosse et à un plumeau. Nous n’avons ni filles à doter, ni fils à marier. Nous ne pouvons craindre ni coups d’État, ni usurpations, un fauteuil étant forcément condamné au statu quo. Enfin, comme il ne peut rien exécuter, nous lui avons abandonné avec confiance le pouvoir exécutif.

La seconde autorité de l’État est la chambre des envoyés, nommée par tous ceux qui dorment sur des sommiers élastiques et boivent du vin vieux.

Le législateur a, en effet, pensé que tout citoyen bien couché et bien nourri devait être un homme ami du bon ordre, c’est-à-dire, de sa table et de son lit, et qu’il avait nécessairement de lumières tout ce qu’il en fallait pour ne pas vouloir en donner une part aux consommateurs de paille et de pain noir.

Cependant, comme il pourrait se trouver, par hasard, dans la chambre des envoyés, certains brouillons assez égoïstes pour préférer leurs idées à leurs intérêts, on leur a opposé la chambre des valétudinaires, composée de gens que le mouvement inquiète et que le bruit fatigue. Pour y être admis, il faut prouver qu’on est ou sourd, ou aveugle, ou goutteux, ou asthmatique ; ceux qui réunissent plusieurs infirmités ont la préférence ; cependant, avec un peu de protection, l’entêtement et l’ignorance peuvent suffire.

Le quatrième pouvoir, enfin, est composé des banquiers qui se sont faits les intendants de la république, lui prêtent à la petite semaine, et se chargent de passer les revenus publics par un crible qui ne laisse tomber que les