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S’agissait-il, par exemple, d’un volume de poésies envoyé avec une lettre extatique, il prenait le modèle numéro 1 ainsi conçu :

« Monsieur,

« Vous avez une lyre dans le cœur ! J’ai lu… (ici le titre du livre) avec des émotions toujours renouvelées. La muse qui l’a dicté ressemble à ces oiseaux des autres latitudes qui nichent dans les grandes herbes, chantent dans le feuillage des bois et planent dans les nuées.

« Continuez, monsieur, et tout ce qu’une indulgence bienveillante vous fait penser de moi, l’avenir le dira un jour plus justement de vous-même. »

Était-il, au contraire, question d’une publication périodique, le modèle numéro 2 venait naturellement :

« Monsieur,

« Vous avez un glaive dans l’esprit. J’ai lu avec un intérêt palpitant votre… (le nom de la publication). Les arguments que vous employez ressemblent à ces armes qui frappent également par les deux tranchants et par la pointe.

« Continuez, monsieur, et tout le bien que vous pensez de mes ouvrages, la république entière le dira un jour, à meilleur droit, de votre journal. »

Fallait-il, enfin, répondre à l’envoi d’un manuscrit, c’était le cas d’avoir recours au modèle numéro 3 :

« Monsieur,

« Vous avez un orchestre dans l’imagination. J’ai lu avec une avidité ravie votre… (ici le titre du manuscrit). Les conceptions de votre génie ressemblent à ces symphonies où l’on entend successivement tous les accents et tous les tons.

« Continuez, monsieur, et l’attention que le public accorde, dites-vous, à ma voix, se reportera tout entière, et avec plus de raison, sur la vôtre. »

L’envoi journalier de ces lettres avait prodigieusement accru la popularité de l’académicien. Tous les gens auxquels il reconnaissait du génie se faisaient naturellement les preneurs de son discernement. Comment ne pas soutenir une célébrité qui nous écrit ? ne devenons-nous point