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tous deux étaient mariés à la mairie du quatrième arrondissement.

Ainsi, on avait cru s’intéresser à des amants suicidés, et l’on n’avait que des gens morts malgré eux et mariés ! Cette nouvelle fut comme un coup d’air qui enrhuma subitement tous les organes de la publicité. Le Constitutionnel revint à son histoire des jésuites, entrecoupée de quelques anecdotes sur le serpent de mer ; la Presse découvrit que la correspondance annoncée était apocryphe, et en suspendit l’insertion ; enfin la Gazette des Tribunaux annonça l’arrestation d’une empoisonneuse de bonne maison qui venait de se défaire de toute sa famille, par suite de la déplorable organisation sociale qui ne nous permet d’hériter que de ceux qui sont morts !

Cette dernière affaire absorba toute l’attention publique, et les noms de Marthe et de Maurice retombèrent dans l’oubli.

Cependant tous deux avaient été réunis dans un même cercueil et portés au cimetière. L’humble corbillard traversa Paris suivi d’un vieillard, d’une jeune femme et de ses enfants ; c’était toute la famille des morts ! Le soleil brillait, les bouquetières offraient aux passants les premières violettes, les arbres commençaient à montrer leurs feuilles soyeuses, et les oiseaux gazouillaient le long des toits en cherchant la place de leurs nids ! Tout était mouvement, parfum, lumière, et, au milieu de cette renaissance générale, le cercueil isolé passait sans être aperçu, car qui peut demander à la vie de voir et de comprendre la mort ?

En revenant, le vieillard, la jeune femme et les deux enfants montèrent à la mansarde qu’avaient habitée ceux qu’ils venaient de déposer dans la terre. Sur le seuil se tenait l’employé des pompes funèbres, le mouchoir d’une main et son mémoire de l’autre. Le mouchoir ne cou-