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partements) ; et il en résulta douze cents strophes, en vers de toutes mesures, sur la mort de Marthe et de Maurice. Mais les plus citées furent celles d’un employé des droits réunis de Bar-sur-Aube, qui venait de se placer aux premiers rangs des poëtes dramatiques par une tragédie grecque jouée avec un immense succès au théâtre de Bobino. On répéta surtout le refrain :

Ange aux yeux noirs, ange aux yeux bleus,
Vous êtes partis pour les cieux !

Heureux vers, dont le premier, selon la remarque d’un célèbre critique, appartenait évidemment à l’école colorée de Shakspeare, et le second, à la sombre école de Racine.

La gravure exploita également le couple amoureux. Le journal l’Illustration publia la vue de leur fenêtre de mansarde, avec une gouttière sur le premier plan, dessin de circonstance, qui ajoutait un charme touchant au récit de cette double mort.

Enfin, pour que rien ne manquât à leur célébrité, M. Gannal écrivit au Journal des Débats une lettre par laquelle il offrait de les embaumer gratuitement, en donnant l’adresse de sa fabrique de conserves humaines.

Mais un seul mot fit évanouir toute cette gloire !

L’oncle de Marthe, averti par la rumeur publique, s’indigna des mensonges publiés par les journaux, et leur adressa une réclamation à laquelle il joignit comme pièces à l’appui :

1o Le certificat du médecin du quartier, constatant que Marthe et Maurice étaient morts naturellement, de mort subite ;

2o L’extrait des registres de l’état civil, prouvant que