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Il avait, du reste, mérité cette faveur, en annonçant qu’il fournirait gratuitement, aux hôpitaux de Sans-Pair, tous les moules de bouton dont pourraient avoir besoin les malades, les morts ou les enfants au maillot.

Il s’était, de plus, décidé à établir dans son usine même cette colonie de travailleurs dont M. Philadelphe le Doux avait parlé à Marthe et à Maurice.

En arrivant à la fabrique, le philanthrope fit avertir l’honorable M. Banqman, qui se trouvait alors dans son cabinet, occupé à regarder des poissons rouges dans un bocal.

M. Banqman continua son intéressant examen tout le temps qu’un homme important doit faire attendre pour paraître occupé. Il ne descendit qu’au bout d’une demi-heure, et s’excusa sur les innombrables affaires qui l’accablaient. Le gouvernement avait recours à lui pour toutes les questions difficiles ; il était victime de sa réputation d’homme pratique. On avait compris le danger de consulter des théoriciens, des penseurs ; on ne voulait plus écouter que ceux qui avaient étudié, comme lui, les grands principes d’économie politique en fabriquant des moules de bouton. Aussi n’avait-il plus un seul instant ; tout son temps appartenait à l’État et à l’humanité !

M. le Doux l’arrêta à ce mot, pour lui faire connaître le but de leur visite. Banqman, flatté, déclara qu’il était prêt à leur montrer la colonie modèle, dont l’organisation généralisée devait un jour réaliser l’âge d’or pour tout le monde.

Il leur fit, en conséquence, traverser l’usine, dont il leur expliqua, en passant, les différents travaux exécutés par des machines de toutes grandeurs et de toutes formes.

On voyait leurs immenses bras s’avancer lentement et