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l’apprenti.

Il continua ainsi pendant plusieurs mois à se rendre régulièrement à l’atelier sans que personne se doutât de quelle manière il employait ses récréations. Ses compagnons de travail étaient si peu accoutumés à l’avoir pour compagnon de leurs jeux, qu’aucun d’eux ne songeait à s’enquérir du motif de ses absences ; il est même probable que Frédéric eût atteint son but sans éveiller l’attention de personne si un événement qui se passa vers le milieu de l’hiver de 18… n’eût changé ses projets et donné une nouvelle direction à sa vie.

Un jour que, selon son habitude, il venait de monter à l’atelier après son dîner et qu’il était déjà à l’ouvrage, il entendit un bruit de pas qui le fit tressaillir ; comme il était là sans autorisation, la crainte d’être surpris l’occupait toujours. Il se jeta précipitamment derrière un meuble qui lui avait déjà servi plusieurs fois dans de semblables occasions. Ce meuble lui cachait entièrement ce qui se passait dans l’appartement ; cependant, au mouvement qui se fit, il présuma que plusieurs personnes y étaient entrées. Il ne songea d’abord qu’à se blottir de façon à n’être pas remarqué ; mais au bout de quelques minutes, les précautions qu’il entendait prendre et des paroles chuchotées à demi-voix lui causèrent de l’inquiétude.

— As-tu bien fermé la porte ? disait quelqu’un.

— Regarde dans le cabinet s’il n’y a personne, reprit une autre voix.

— Pourquoi cette crainte d’être surpris ? se deman-