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succession ; et les efforts de Flavi ne purent lui rien arracher de plus. Enfin, à bout de patience, il ordonna de faire reconduire les voyageurs en prison, afin qu’ils fussent pendus le lendemain, comme convaincus d’espionnage.

Le Père Cyrille prit d’abord ce dernier ordre pour une menace ; mais son inquiétude devint plus sérieuse lorsqu’à son retour le geôlier les renferma dans des cachots séparés. Il voulut de nouveau parler au gouverneur ; on lui répondit qu’il venait de quitter Tonnerre à la tête d’une compagnie armée, avec laquelle il devait battre la campagne pendant plusieurs jours. Le geôlier ajouta seulement, par forme de parenthèse, que maître Richard, archer du sire de Flavi, avait reçu ordre de ne point oublier les prisonniers, et qu’il se présenterait avec un confesseur vers le point du jour.

Désormais le doute était impossible : le Père Cyrille avait cru faire acte de prudence en taisant la vérité, et ce silence l’avait perdu ainsi que Remy.

Cette pensée lui causa une sorte de vertige. Pour lui-même, il eût pu, sans trop d’émotion, accepter ce coup inattendu : au milieu des désastres qui affligeaient la France depuis tant d’années, trop de sang avait coulé pour que l’idée d’une fin violente ne fût pas devenue familière à tous ; à force de voir tomber ses voisins, on s’était accoutumé à attendre la mort pour son propre compte ; mais comment l’accepter pour celui d’un enfant qu’on avait protégé, auquel on