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beurs d’enfants[1], dont toute l’ambition était de se laisser oublier jusqu’à ce que le hasard leur fournît une occasion de délivrance. Celui qui couchait avec eux (selon l’usage alors établi dans les prisons, où chaque lit servait pour trois prisonniers) les engagea d’abord à attendre comme lui une heureuse chance ; mais voyant qu’ils ne pouvaient s’y résigner, il leur dit enfin :

— Par saint Ladre ! puisque vous avez si peu de patience, je puis vous donner le moyen d’être conduit sans plus de retard au gouverneur ; mais il faudra pour cela souffrir quelques jours de la faim et coucher sur la dure.

— Qu’importe ! pourvu que nous puissions nous justifier, répliqua Cyrille.

— Alors donc, continua le prisonnier, refusez dès aujourd’hui de payer le droit de geôle de huit deniers, vous serez rangé parmi ceux qui n’ont pour couche qu’une litière de paille, et comme vous ne serez plus d’aucun profit à notre gardien, il saura bien vous faire obtenir audience du seigneur qui gouverne.

Cyrille suivit ce conseil, et ce que le vagabond avait prévu arriva. Le moine et Remy, ne rapportant plus au geôlier que la peine de les garder, furent bientôt conduits au gouverneur pour être interrogés.

  1. On appelait « caignardiers » certains vagabonds dangereux qui avaient leur campement habituel sous les ponts de Paris, et « robeurs d’enfants » des mendiants qui enlevaient de petits enfants dont ils faisaient trafic.