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la croix qui nous a été imprimée depuis entre les deux épaules ; mais je sais me contenter de ce que les trois personnes veulent bien m’accorder. Ne voyez-vous point, d’ailleurs, que le sorcier est endormi ?

— Tous ses sortilèges n’ont pu encore l’enrichir, reprit le bœuf, et il se damne pour bien peu. Le diable ne l’a même pas averti de la bonne chance qu’il y aura ici près, dans quelques jours.

— Quelle bonne chance ? demanda l’âne.

— Comment, reprit le bœuf, ne savez-vous donc pas que, tous les cent ans, les pierres de la bruyère de Plouhinec vont boire à la rivière d’Intel et que, pendant ce temps, les trésors qu’elles cachent restent à découvert ?

— Ah ! je me rappelle maintenant, interrompit l’âne ; mais les pierres reviennent si vite à leur place, qu’il est impossible de les éviter et qu’elles vous écrasent si vous n’avez point, pour vous en préserver, une branche de l’herbe de la croix entourée de trèfle à cinq feuilles.

— Et encore, ajouta le bœuf, les trésors que vous avez emportés tombent-ils en poussière si vous ne donnez en retour une âme baptisée ; il faut la mort d’un chrétien pour que le démon vous laisse jouir en repos des richesses de Plouhinec.

Le mendiant avait écouté toute cette conversation sans oser respirer.