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Silences !

Qui dira les choses sublimes que contient ce simple mot ? L’homme faible, violent, le vulgaire et le vaniteux ne le connaissent pas. Les sages, les vertueux, consentent à se taire, même sous la ruée de l’affront. Comment ne pas penser tout d’abord à l’héroïque silence de Jésus devant ses juges. Pilate n’est qu’un lâche ; Hérode se borne à ricaner comme font ceux qui ne comprennent pas. Ils n’ont pas vu ce qu’il y a de grandeur dans l’abaissement volontaire et le mutisme du Maître des maîtres, de Celui dont la Parole devait résonner plus tard jusqu’aux confins du temps et de l’espace.

Vous qui souffrez, qui vous sacrifiez, suivez l’exemple du Sauveur. Que le silence soit la réponse de ceux qui se voient méprisés, méconnus, calomniés. On ne peut rien contre l’incompréhension, l’injustice des ignorants et des méchants. Et vous qui persistez à vouloir éclairer, convaincre les êtres ténébreux, rappelez à votre esprit ces paroles de la Sagesse : « Ne jetez pas de perles aux animaux ».

Et pourtant, la parole a ses devoirs et ses droits. Mais il faut savoir éviter l’ironie, le sarcasme, les allusions perfides, formes cauteleuses du mépris. L’homme vraiment fort saura se garder aussi de l’invective issue de la colère et qui n’est qu’une faiblesse de plus. Bienheureux les doux ! Heureux ceux qui résistent à l’infernal entraînement d’un verbe plein de fiel ! Ils savent le prix du silence venant à point limiter de sages paroles.


Et maintenant, ô silence voulu de Dieu, Silence auguste des nuits, que dire de votre enchantement ! Quel poète trouvera les mots pour vous décrire ? L’ombre descend, enveloppant de mystère les choses terrestres, alors qu’apparaît à nos yeux ce que la lumière nous cachait d’infini. Les créatures obéissantes se taisent, selon l’ordre du Créateur. Libéré enfin de la sujétion des opprimantes besognes, voici pour l’homme le moment d’écouter les voix intérieures. Saura-t-il répondre à cet appel du plus intime de son être ?… Hélas ! des notes discordantes, prolongement des agitations de la journée oseront troubler l’harmonieuse paix des soirs. Des voix impies s’élèveront dans la sérénité des heures consacrées au recueillement, se souciant peu de violer le divin précepte du repos. Que de clameurs sinistres passent encore à travers le calme des nuits, pesant comme un fardeau sur les pensées avides de prendre leur élan dans l’ombre suggestive de réalités cachées à la lumière du jour.

Et vous, silences du cœur, pudeur des âmes délicates et tendres, fermées comme un calice sur un parfum… fier silence des humbles, des déshérités, des oubliés, vous êtes le refuge des meilleurs d’entre nous.