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et nous nous sentons bien humbles derrière eux. Sachant qu’ils marchent à la conquête de la Vérité, nous n’avons qu’à les suivre sans nous acharner à la recherche de ce qui est hors de nos prises, soit que notre intelligence soit insuffisante ou que nous manquions du temps nécessaire. Il ne tient qu’à nous de nous fixer dans une paix sereine à la pensée que tous les grands esprits sont d’accord sur l’essentiel, même séparés dans l’espace et le temps.


Charité « bien ordonnée » commence par soi-même

« Bien ordonnée », c’est-à-dire appliquée en vue d’une fin qui est le salut de notre âme. Il s’agit donc de développer nos puissances pour atteindre le Souverain Bien. Si chacun de nous s’efforçait d’y tendre, tous en tireraient profit. Guéris de l’égoïsme, nous serions, les uns pour les autres, incalculablement secourables. Qui ne sait qu’un geste, facile, accompli en moment opportun peut rendre un immense service ? Disposant de moyens très divers, les humains se doivent une aide réciproque à laquelle le moindre d’entre nous peut se prêter. Du haut en bas de l’échelle sociale, le « coup de main » opportun peut sauver de la misère, du désespoir, de la mort.

Délivrés — autant que possible — de ce monstrueux égoïsme, cause de tous les maux, nous sommes… j’ose dire, automatiquement attirés vers l’Amour. La faculté d’aimer se développe par l’exercice. L’ardeur au bien réchauffe, chasse les ténèbres de l’esprit, active la circulation du sang. On vit lorsqu’on aime, et surtout on rêve de vie éternelle. Éternellement abreuvés à la Source de l’amour nous saurons enfin en quoi consiste cette « charité bien ordonnée » prêchée par le Christianisme et où elle aboutit.

Quand je parle d’amour ce n’est jamais de celui qui engendre tant de crimes.


1931

Toutes les manifestations de l’art nous enchantent mais ce ravissement où nous plonge le peu de beauté entrevue ici bas est à la fois exquis et douloureux ; il nous met au seuil d’un eden dont les portes ne s’ouvriront que plus tard. Quel espoir ! et quelle misère de se sentir en exil jusqu’à l’heure voulue par la Providence ! Nous avons les prémices des splendeurs promises dans les quelques joies à notre portée. Ce sont de pâles reflets dont il ne faut pas médire ; des amorces, parfois délicieuses, pour entretenir en nous le besoin d’infini. Ce que nous possédons de beauté, de vérité, d’amour est infiniment doux et pré-