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créature. Il ne connaîtra pas le grand amour pur, ardent, désintéressé, avide d’infini, tendre, effacé, prudent et fort. L’amour est la respiration de l’âme ; il lui est indispensable comme l’air et la vie de notre corps. Mais pour entretenir ce feu de la Charité, que Jésus est venu apporter sur la terre, il faut l’alimenter sans cesse, par les saintes effusions de la prière, par le renoncement à soi-même, à base d’humilité, par le don, sans cesse renouvelé de soi à chaque fois qu’il nous est demandé pour accomplir quelque bien dans les âmes et soulager les misères. Que j’aime cette prière :

Mon Dieu, créez en moi un cœur pur,

Et renouvelez dans mon âme l’esprit de droiture.

Ah ! si à chacune de nos pensées, au début de chacun de nos actes, nous nous demandions si notre mobile est vraiment pur, s’il est vraiment libéré de la recherche de notre satisfaction propre ! Rarement nous le trouverions dépouillé de tout égoïsme. Un beau jour — ce fut en effet un beau jour — j’ai constaté que tous les rêves caressés dans le courant de mon existence étaient entachés d’égoïsme. Je ne m’en doutais pas. Je croyais légitimes bien des convoitises, innocentes en apparence et qui n’étaient que de perfides suggestions. Quelle confusion ! le jour où l’on s’aperçoit qu’on tournait le dos à la Vérité tout en s’attendrissant sur soi-même. Alors on comprend que celle-ci se venge par des épreuves destinées à vous remettre dans la voie malgré vous-même, sans profit spirituel jusqu’au jour où jaillit la lumière ! Alors commence la vraie vie non sans grand combat car il faut tout renouveler en soi, se transformer du tout au tout ! Que de fois il faut faire appel à un secours surnaturel pour se relever de nombreuses chutes ! Bientôt, à l’aide de cette mystérieuse Lumière, on verra plus clair en soi, on commencera à se connaître, à se juger, à détester les mouvements instinctifs qui vous tournent du côté du mal et qu’on a tant de peine à maîtriser. C’est une lutte de tous les instants dont on ne sort pas victorieux à moins d’une volonté toujours plus ferme. La langueur de l’âme ! c’est une vraie maladie qui déprime l’être physique, le plonge dans cette indolence, cette veulerie qui est à la base de toutes les catastrophes. Les anciens savaient ce qu’ils faisaient en armant Minerve de pied en cap. Connais-toi toi-même ! Que de sagesse et de profondeur dans ces simples mots ! Les plus grands saints, appliqués sans cesse à cette connaissance d’eux-mêmes sont les plus humbles des hommes quoique les meilleurs. Leur sincérité ne fait aucun doute quand ils s’accusent de fautes qui sembleraient légères au commun des mortels. Même ne se sentant pas coupables, ils se savent imparfaits. De là ce mot terrible de Saint Paul : « Nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine » ; et encore : « Quoique ma conscience ne me reproche rien, je ne me sens pas justifié ». Donc, comme règle de conduite, s’appliquer à découvrir le défaut dominant,