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élevés, et de les faire dévier de leur véritable objet. Par exemple, l’homme ayant repoussé Dieu, mais sentant en lui le besoin du divin, se proclamera dieu lui-même. Et sous couvert d’humanitarisme il commettra les crimes les plus féroces. L’histoire nous offrira tous les exemples possibles d’une pareille aberration, mais il suffit de remonter jusqu’à la fin du 18e siècle et de voir à quoi ont abouti les divagations d’un Rousseau avec les pitreries d’un Voltaire.

Si l’on veut voir quelle forme revêtira le besoin d’adorer, on se rappellera le culte scandaleux offert à la déesse Raison, logiquement représentée sous les traits d’une prostituée.

Oui, ce sera bien la fin de tout ; l’homme s’adorant lui-même en l’humanité, proclamant la Nature seule déesse, puisant en elle les éléments directeurs de sa conduite, aboutissant logiquement à un égoïsme féroce capable des pires excès. Il semble bien qu’aujourd’hui nous descendons tout doucement dans ce bas fond.

Mon Dieu ! ayez pitié de ceux que j’aime… et des autres.


La véritable ardeur ne se traduit pas par des gestes désordonnés ni des paroles haletantes. Elle est tout en effusions intimes, en actes spontanés dans la sérénité d’un paisible amour. C’est une flamme intérieure non accompagnée d’expansions bruyantes ; c’est un parfum en vase clos. Les âmes vraiment ardentes ne sont pas quêteuses d’approbations, mendiantes d’admiration, parce qu’elles rapportent tout à Dieu de qui elles tiennent tout. Les âmes mercenaires, parce qu’elles s’agitent éperdument — prenant le mouvement pour l’action — se donnent l’illusion d’une vie intense alors qu’elles ne sont que marionnettes articulées.


La nostalgie dont nous sommes étreints, même dans la possession des réalités les plus belles et les plus enivrantes, vient de ce sentiment confus que la beauté n’est qu’un pâle reflet du divin, terme de nos aspirations. De là cette sensation poignante de l’inassouvi. Dieu nous amorce pour nous attirer à Lui ; il nous déçoit pour que les « ombres de ce qui est » ne nous retiennent pas dans leurs enchantements illusoires.


Dieu a mis à notre portée tous les éléments d’un bonheur terrestre. Mais le fait de vivre en société implique l’échange, l’entraide entre les humains qui se dérobent, hélas ! De là l’infinie misère de vivre qui n’est supportable que grâce au grand espoir d’au-delà.