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III

LE MAHÂBHÂRATA



I


Un climat qui réunit les plus âpres rigueurs et les plus splendides magnificences ; un fleuve immense, le Gange, qui, sorti des pics neigeux de l’Himalaya, passait pour descendre du ciel même ; des forêts vierges, parfois inaccessibles et inextricables, où le soleil pénètre à peine, où les herbes valent des arbustes, où les fleurs s’entassent en buissons, où les arbres prodiguent en tous sens autour d’eux leur végétation luxuriante, où les animaux les plus terribles et les plus curieux, quadrupèdes, oiseaux, reptiles, vivent pêle-mêle sans permettre, pour ainsi dire, à l’homme d’approcher ; une société bizarre et confuse, sombre et imposante, avec des dogmes absolus, des lois sévères, des castes invariables ; une mythologie féconde en fables étranges et en types monstrueux ; une architecture sans art et sans goût, affectant les proportions les plus irrégulières, visant au grand et non pas au beau, s’étendant ou s’élevant au delà de toutes limites et faite pour écraser l’intelligence et pour lasser l’admiration par l’énormité de ses conceptions : voilà l’aspect que présente à notre imagination l’Inde ancienne. Or, tel milieu, tel peuple, telle poésie ; et le Mahâbhârata, cette épopée gigantesque et démesurée, est en conformité parfaite avec tant de caractères