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LE THEATRE INDIEN. 301

freuses scènes de trahison, de cruauté et de vengeance qui y font détester Tchandra-Goupta. De son côté, ce roi n'est pas exempt de soucis, et on l'entend s'écrier :

Que les soins de l'empire sont pénibles pour ceux qui les regar- dent comme des devoirs! Il faut que les princes renoncent à leurs désirs et qu'ils sacrifient au salut des citoyens leurs propres avan- tages. Mais ce sacrifice de leurs intérêts à ceux d'autruiles trans- forme en esclaves: et des esclaves méritent-ils des égards? Nous sommes les jouets de la fortune; vainement on espère fixer cette volage et infidèle divinité : elle fuit le violent et dédaigne le faible, repousse l'insensé et s'éloigne du sage, se rit du lâche et redoute l'audacieux.

A cette cour, tout le monde déclame et disserte, même les valets ; par exemple tel est Vêhinara, un domestique de Tchânakya,'qui dit mélancoliquement :

La position du serviteur d'un roi est bien embarrassante ; il vit non seulement dans la crainte de son maître, mais encore dans celle du ministre de son maître, des nobles alliés du monarque, de ses amis, de ses compagnons de plaisir les plus frivoles. Les sa- vants comparent la vie des serviteurs à celle des chiens, et ils ont raison, puisque, semblables à des chiens, ils flattent ou se plai- gnent afin d'avoir à manger. Des adulateurs hypocrites louent les princes, ne fussent-ils bons à rien, et la pauvreté réduit à la bas- sesse beaucoup d'honnêtes gens ; le besoin est le plus despotique des tyrans. Ceux qui n'ont pas de passions sont les seuls hommes libres et, à leurs yeux, un roi ne vaut pas'plus qu'un fétu de paille.

Toutefois, par un nouveau subterfuge de son conseiller qui ne laisse pas d'être fort subtil, Tchandra-Goupta feint de se brouiller avec lui et de briser le joug importun de son in- fluence. Le brahmane donne sa démission, jette à terre le poignard, signe de sa dignité qui correspond à nos porte- feuilles ministériels, et affecte de rentrer dans l'obscurité, es- pérant ainsi abuser Râkchasa et provoquer son retour. Le chef des montagnards, Malayakétou, qui n'est pas parfaite- ment sûr de la fidélité de Rakchasâ, est, en outre, excité contre lui par divers émissaires que l'astucieux Tchânakya

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