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LE THÉÂTRE INDIEN. '2 ( M

compliquer l'intrigue sans la rendre plus intéressante : au cinquième acte (car nous en sommes là), la scène est placée dans un cimetière ou plutôt dans un champ où l'on brûle or- dinairement les cadavres, non loin du temple de Dourgà (un des noms de la femme de Siva). La prêtresse Gapalacoundala se montre, ayant un extérieur effrayant et montée sur un char céleste : elle s'est entendue avec un complice, le prêtre Aghoraghanta, pour enlever la jeune fille et la sacrifier à la redoutable divinité. Sur ces entrefaites, Mâdhava arrive, un lambeau de chair humaine à la main, afin d'attirer par cette horrible offrande les génies infernaux et de les rendre favo- rables au succès de ses amours. Nous citerons, malgré sa longueur, ce passage de l'évocation, qui est du romantisme le plus excentrique, du réalisme le plus fougueux :

L'heure est venue, où s'éveillent les esprits malins et terri- bles qui infestent ces parages. Les flammes des bûchers funéraires ne lancent plus que des lueurs faibles et lugubres; en achevant de consumer les membres qui y sont déposés, elles percent l'effrayante obscurité qui nous entoure. Les pâles fantômes, les spectres hideux se livrent à leurs ébats nocturnes et, dans leur affreuse gaité, des cris aigus et discordants sont multipliés par W< échos. Bien, bien! c'est eux que je cherche; c'est à eux que je veux m'adresser. Génies du mal, intelligences dégagées des en- traves du"corps, vous qui hantez ce lieu, je vous apporte de la chair à acheter, de la chair d'homme, que le fer tranchant n'a point touchée et qui est digne de vous. Quoi! le bruit aigre et confus de leurs entretiens s'augmente et remplit tout le cimetière! D'é- tranges figures, pareilles à celles des renards, flottent au milieu des airs ; de ces poils rouges qui couvrent leurs corps longs et maigres sortent des étincelles ; de leur bouche, fendue d'une oreille à l'autre et armée de dents nombreuses, de leurs yeux, de leur barbe, de leurs sourcils, des rayons jaillissent. Oui, je con- temple cette armée fantastique: appuyés sur des jambes h; comme des palmiers, je vois marcher ces squelettes, étiques, dont les os décharnés sont retenus par des nerfs saillants el à peine recouverts d'une peau sèche et ridée. On dirait de grands arbres, fine la foudre a blanchis et dépouillés: de même que d'énormes serpents se traînent sur des troncs flétris, dans la bouehe large

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