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LE THÉÂTRE INDIEN. 485

vengé et, en représailles de cet arrêt qui condamne un brahmane à la mort sur l'unique déposition d'un ennemi impitoyable, ù cou- pable roi, le sort le plus doux qui puisse t'attendre, toi et toute ta race, c'est le châtiment de l'enfer. Marchons ; me voici.

Au dixième et dernier acte, qui est fort étendu, nous as- sistons au spectacle des préparatifs de l'exécution. Il est triste et curieux de voir ce juste marcher au lieu du supplice, entre deux haies de gens du peuple, le front ceint d'une couronne funèbre, soutenant sur son épaule le pal, instru- ment de sa mort prochaine, et poussé de station en station par les tchandalas ou bourreaux, qui proclament à chaque pas son prétendu crime et la punition qu'il va subir. Les assistants le plaignent et prient pour lui ; toutes les femmes pleurent ; quelques hommes égoïstes et lâches se détournent pourtant, ce qui arrache au condamné cette réflexion qui rappelle un passage fameux d'Ovide : « A mon passage, plusieurs de ceux qui me connaissaient m'évitent et, se voilant le visage de leurs manteaux, ils se cachent. Lorsque la fortune nous sourit, les amis ne nous manquent pas ; ils sont rares dans l'adversité. » Mêtréya, qui est un de ces amis rares, et le jeune Rohaséna s'élancent vers lui ; ils offrent de périr à sa place. Le père bénit son fils et lui passe au cou son cordon brahmanique ; signe de distinction, qu'on revêtait à un âge fixé avec de grandes cérémonies, qu'on portait transversalement sur la poitrine de gauche à droite et qui symbolisait un progrès dans la foi religieuse : le comble du désespoir, à ses yeux, c'est d'être soupçonné d'avoir tué celle qu'il aimait tant. Ce- pendant le cocher de Samsthànaka survient en toute hâte, at- testant l'innocence du prisonnier et l'attentat de son propre maître : le prince, qui paraît également, s'efforce sans succès de faire taire son domestique, en lui offrant furtivement un bra- celet de prix. Il presse l'exécution du condamné et demande même que son enfant soit immolé à ses côtés; car ce monstre grossier et cruel pense, à l'instar de Vitellius, que V agonie d'un adversaire est un vrai festin pour le cœur. Tchàroudatta,

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