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et d’une femme libre, d’un amant ruiné et d’une maîtresse opulente, est exposé avec une délicatesse singulière, en sorte que ce couple étrange n’excite pas un seul moment nos répugnances ; tant l’un et l’autre corrigent ce que leur position exceptionnelle a de défectueux par la noblesse de leurs idées et la profondeur de leur affection.

Ne nous arrêtons pas longtemps au prologue, que précède l’invocation sacramentelle à Siva, prononcée par le directeur et une actrice, et où l’on ne manque pas de chanter les louanges de l’auteur, mort bien des siècles auparavant, le prince Soudraka ; on l’y dépeint ainsi :

Il égalait par la majesté île son extérieur celui du taureau, par la vivacité de ses regards ceux de la perdrix, par l’éclat de son visage celui de la pleine lune. Imposant, aimable, véridique, issu du sang des kschattriyas, versé dans la connaissance du Rig-Véda et du Sama-Véda, il possédait à la fois les sciences mathématiques, les beaux-arts et le talent de dresser les éléphants. Il avait abdiqué avant l’âge -, il eut le bonheur de voir son fds assis sur le trône et, après avoir accompli les rites solennels de Yaç-wamédha, parvenu à sa centième année, il termina volontairement ses jours en se précipitant au milieu des flammes d’un bûcher. Brave à la guerre, toujours prêt à marcher contre les troupes de ses adversaires, et cependant sans colère et sans rancune, non moins pieux que savant, tel avait été ce grand homme.

Laissons de côté ce panégyrique, dû à quelque scribe vulgaire et sans doute très-postérieur à Soudraka; abordons l’œuvre même du noble poète. Figurons-nous que nous sommes à Oudjayanî, l’ancienne Avantî, la capitale de la province de Màlava, une des sept villes sacrées de l’Inde, située près des sources de la Siprâ et du Sindhou. Nous avons sous les yeux l’entrée et la première cour de la maison de Tchâroudatta, un brahmane vertueux, qui s’est appauvri par ses continuelles largesses envers ses amis, mais qui n’est pas encore réduit à une misère bien désolante, puisqu’il lui reste une servante et un valet. Un autre brahmane, Mêtréya, chargé du rôle comique de vidoûchaka, naguère joyeux parasite de