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ce drame, dont l’idée première se retrouverait chez nous dans une foule de ballets et de féeries. La pièce rentre dans la catégorie de celles qu’on nommait trotakas; ce qui signifie qu’elles se passent moitié au ciel et moitié sur la terre. Après un prologue court et bizarre, qui nous montre le directeur de la troupe et l’acteur principal, où la bénédiction des dieux est appelée sur les assistants et où le sujet est annoncé, l’action, ou du moins le dialogue qui en tient lieu, commence. Beaucoup de personnages subalternes y figurent. Au lever de la toile, en admettant qu’on levât une toile quelconque, la scène représentait les pics neigeux et gigantesques de l’Himalaya, décor magnifique, s’il eût existé ; mais il est probable que sur ce théâtre, comme sur ceux de la France et de l’Espagne, de l’Allemagne et de l’Angleterre du moyen âge, on se contentait d’inscrire au haut d’un écriteau ou de crier au public: « Ici, vous voyez la mer; là-bas, c’est une forêt ou un jardin ; plus loin, le paradis ou l’enfer ; » et le public se le tenait pour dit.

Des Apsaras ou nymphes du ciel d’Indra poussent des clameurs plaintives ; car une de leurs compagnes, Ourvaçi, vient d’être enlevée par un dânava ou démon. Par bonheur, sur son char royal, escorté d’un cocher, paraît Pouroûravas, prince de Pratisthâna; ému de ces plaintes, il s’élance sur les traces du ravisseur et, un instant après, il ramène Ourvaçi et une de ses amies, arrachées au mauvais génie. Un coup d’œil mutuel a suffi au héros et à la nymphe pour se voir, pour s’admirer, pour s’aimer; la pudeur d’Ourvaçi, la réserve du monarque, l’amitié des jeunes filles forment un ensemble doux et gracieux, qui semblerait froid au goût blasé des spectateurs modernes, mais qui plaisait à des imaginations plus naïves. Tchitraratha, chef des Gandharvas ou musiciens célestes, apparaît dans un nuage ; il vient chercher, de la part d’Indra, celle de ses nymphes qui a échappé à un si grand péril ; il faut se séparer : quelle coquetterie, mêlée de candeur, dans les adieux de la belle vierge à son noble sauveur!