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±38 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

en mourir ! On voit par là trop clairement que la polygamie n'excluait ni l'adultère ni la jalousie, et qu'elle ne suffisait même pas aux appétits des sens. Kâlidâsa, à force d'adresse et d'agrément, a su rendre tolérables les scènes les plus équi- voques. Le tableau qu'il trace nous dépeint l'Inde d'une ma- nière trop fidèle et trop curieuse pour que nous ne cher- chions pas à en montrer tout ce que peuvent en supporter les regards des modernes :

Ce prince licencieux vivait avec ses compagnes dans d'agréables demeures, où résonnait sans cesse le bruit des tambourins; à un joyeux jour de fête un autre succédait, plus joyeux encore. Ne pouvant passer un seul instant hors des plaisirs, se divertissant jour et nuit au fond de ses palais, il ne songeait plus à ses sujets avides de le voir; et si, par hasard, cédant aux graves conseils de ses ministres, il accordait à son peuple le bienfait tant désiré de sa présence, il se contentait de lui montrer son pied du haut d'une fenêtre, et le peuple s'inclinait avec respect devant ce pied royal... Il se baignait dans les lacs, et sous les eaux se cachaient des grottes destinées aux plaisirs ; ses favorites l'y attiraient par leurs charmes... Puis il se rendait avec elles dans un endroit découvert, préparé pour des festins ou mille parfums suaves ravissaient les sens. Elles buvaient avidement le vin qu'il leur offrait, et lui- même, altéré comme la racine d'une plante, il s'en faisait verser par elles. Deux choses avant tout le captivaient : les accords mé- lodieux d'un luth ou les beaux yeux et le doux langage d'une jeune fille. Ivre de joie, orné de couronnes et de flexibles guirlandes, s'animant de plus en plus en frappant du tambour, il faisait rougir les danseuses, en leur ordonnant d'exécuter devant ses précep- teurs les évolutions les plus folles... Toujours insatiable de nou- velles amours, il était surpris dans ses mystérieuses entrevues par d'autres jeunes filles, devenues maintenant importunes pour lui. Les abusant l'une après l'autre, il voyait leurs doigts menaçants se dresser contre lui et leurs regards s'assombrir sous leurs sourcils froncés; souvent elles le liaient à l'aide de leurs ceintures. D'autres fois, la nuit, lorsqu'à quelques pas de ses serviteurs il reposait auprès d'une favorite, il entendait s'élever à son chevet la voix d'une femme délaissée qui lui reprochait son abandon. A peine avait-il quitté ses épouses qu'il s'élançait vers les danseuses les plus attrayantes..: Ou bien il se glissait sous les huttes de

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