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222 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

laya eût d'autres enfants, ses yeux ne pouvaient se rassasier de la vue de cette fille; c'est ainsi qu'un essaim d'abeilles s'attache de préférence au manguier, malgré la foule de plantes qui fleuris- sent au printemps. De même qu'une vive flamme pour un flam- beau, de même que le Gange pour le monde, de même qu'un discours habile pour un homme sage, de même Uma était pour son jpère une gloire et un ornement. Enfant, elle se plaisait souvent à courir dans les îles du fleuve, à lancer la balle, à manier des poupées faites avec art, à goûter au milieu de ses compagnes la douceur de tous les jours... Après l'enfance, elle atteignit cet âge qui est pour les corps délicats une parure sans recherche, cet âge dont l'ivresse égale celle du vin et qui rappelle, moins les fleurs, l'arc de Kâma, le dieu d'amour. Tel qu'un tableau tracé par un savant pinceau, tel qu'un lotus épanoui aux feux du soleil, le corps d'Uma, environné de la plus pure lu- mière, respirait toute la fraîcheur de la jeunesse. Ses pieds, dont les ongles étaient longs et colorés, semblaient se jeter des éclairs en s'appuyant sur le sol, et lui donnaient le gracieux aspect de la mauve s'inclinant sur sa tige. Tous les mouvements de sa dé- marche étaient remplis de charme... Elle avait des yeux de nénu- phar... Ses bras étaient plus flexibles que les rameaux du sirisha. Ses mains aux fines extrémités surpassaient en délicatesse les feuilles de Yasoka et, le soir, effaçaient la splendeur du ciel étoile. Son sein, surmonté de deux globes éclatants, et son collier de perles rondes semblaient se confondre en se renvoyant mutuelle- ment de doux reflets... Une fleur suspendue à une branche,^une pierre précieuse unie à du corail, auraient pu donner l'image de ce paisible sourire qui rayonnait sur ses lèvres brunes. Quand ré- sonnait sa voix argentine, les oiseaux jaloux gémissaient triste- ment, comme une corde que l'on fait vibrer à faux. Ses yeux si bien fendus, ces regards mobiles comme le bleu lotus agité par le vent, les avait-elle empruntés ou prêtés aux gazelles?... Ayant mis en elle à leur juste place chacun des éléments de la beauté, le créateur de l'univers par un travail exquis avait formé cette vierge, comme s'il désirait réunir toutes les merveilles dans un seul corps.

Voilà certes une description complète, et plus complète en- core dans le texte même, dont la bienséance moderne nous a obligé d'élaguer quelques images par trop naïves, sem- blables aux détails, aussi libres qu'ingénus, du Cantique des

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